Foncier nourricier : des réalisations inspirantes présentées à Angoulême

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23 mai 2025
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À Angoulême, lors des journées techniques d’Un Plus Bio qui se sont déroulées sur deux jours, nous avons pris la mesure des avancées et de la montée en compétences des collectivités sur cet enjeu.

Nos partenaires sur ce dossier du foncier nourricier étaient présents, la FNSAFER et le réseau CELT. L’intervention de l’enseignante-chercheuse Raphaèle-Jeanne Aubin-Brouté a rappelé à quel point l’alimentation était la grande absente des textes de loi en matière de droit rural, de droit foncier ou encore de droit de l’urbanisme. Elle nous a aussi livré un bel inventaire de toutes les opportunités laissées par le droit et qui, face au retrait de l’Etat, permettent aux collectivités locales d’innover. Sur la question du juste prix par exemple, là où la loi Egalim semble avoir échoué, des collectivités initient des projets qui tendent à définir un prix rémunérateur et à maintenir une vocation nourricière sur nos territoires. Trois d’entre elles sont venues présenter leur stratégie.

Quels modèles pour une agriculture nourricière ?

La SCIC des Ferrages de Châteauneuf est une initiative lancée par la municipalité de Châteauneuf-Grasse et ses habitants face à la disparation des terres agricoles sur leur territoire. Dans cette commune de 3 700 habitants de la Côte d’Azur, en périphérie d’Antibes Juan-Les-Pins, l’idée d’une autonomie alimentaire pouvait paraître bien loin. Pourtant, comme l’explique Samuel Fallet, animateur territorial au sein de la SCIC, c’est justement le déclin du nombre de paysans qui a poussé la commune à se saisir de l’enjeu. En dix ans, la commune a mis un coup d’arrêt à cet effondrement : elle a remis en culture du foncier en friche et installé plusieurs maraîchers en bio en leur assurant un débouché local.

Mais le tour de force opéré par la commune, c’est d’avoir confié l’animation du projet à une structure coopérative : la SCIC des Ferrages de Chateauneuf. En déplaçant ainsi le portage du projet, la SCIC a pu faire entrer dans la gouvernance d’autres collectivités (la commune d’Opio, la Communauté d’Agglomération Sophia Antipolis…). Elle est devenue un outil puissant de la stratégie alimentaire du territoire. Désormais, d’autres communes lui mettent à disposition du foncier pour produire, elle répond aux marchés publics de la restauration scolaire d’Antibes, et a créé un Marché Paysan qui permet d’avoir une offre alimentaire diversifiée avec une trentaine de producteurs associés.

Malgré un chiffre d’affaires en pleine croissance et l’embauche de 8 salariés, Samuel précise que l’engagement des collectivités et des bénévoles est indispensable dans l’équilibre du modèle économique et humain du projet de la SCIC. Les bénévoles viennent régulièrement en renfort pour les récoltes, les travaux agricoles, ou pour tenir la caisse du Marché Paysan. Cette dynamique collective a fait naître de multiples initiatives sur le territoire. Pour en connaître davantage, rendez-vous sur leur site : https://scic-ferrages.fr/

Ferme municipale de Lagraulet-du-Gers (©Julien Claudel)

Ferme maraîchère de la SCIC des Ferrages de Chateauneuf (©Julien Claudel)

La régie agricole de Poitiers est aussi une belle aventure humaine. La  transformation de ce service horticole municipale produisant fleurs, arbres et plants pour embellir les espaces verts, a opéré une bascule.

Depuis bientôt trois ans, les Serres de Beauvoir ont été complètement transformées pour produire des légumes, des fruits et des plantes aromatiques. Cette production part à quelques kilomètres seulement dans la cuisine centrale de Poitiers, ainsi que dans les jardins et les fermes urbaines de la ville qui bénéficient de la super production de plants potagers.

Dans le témoignage de Sébastien Vandewalle, responsable du pôle agriculture urbaine, on comprend que cette réussite collective a été rendue possible par l’engagement des membres de l’équipe et leurs évolutions professionnelles. Tout ce qui était jusque-là très contrôlé dans la production est aujourd’hui soumis aux aléas climatiques ! La production hors sol, l’irrigation, le chauffage des serres, ont laissé place à des pratiques agroécologiques avec toute la complexité et les imprévus qu’impose de travailler avec le vivant. Pourtant, l’équipe est toujours en place et déploie de nouvelles activités en particulier la sensibilisation des plus jeunes avec l’accueil des écoles et des centres de loisirs.

Cet espace, renommé « jardins municipaux agroécologiques et nourriciers » est devenu un lieu ouvert, multiusages, et un socle solide de la transition agricole et alimentaire de la ville de Poitiers.

D’autres collectivités s’emploient à maintenir leurs espaces agricoles et à redonner une vocation nourricière à leur territoire, ce sont les départements. Bien qu’ils agissent à une échelle plus macro, les départements ont la possibilité de donner un cap. De plus, à l’échelle communale, cette question de sacralisation de terres agricoles est tellement délicate, que l’échelon départemental peut être un véritable soutien. C’est dans cette optique que le département de Loire-Atlantique appui le déploiement de stratégies foncières agricoles locales.

La Loire-Atlantique ne manque pas d’agriculture puisque celle-ci couvre 67% de la surface du département, mais la forte attractivité de ce territoire met sous pression les terres agricoles. Le département a déployé les Périmètres de protection d’Espace Agricoles et Naturels périurbains (PEAN) pour mettre un coup d’arrêt à l’urbanisation sur les zones à forts enjeux. En juin 2025, les PEAN attendront 35 100 hectares, où l’attribution d’une vocation agricole ou naturelle est définitive. Mais l’intérêt de l’outil n’est pas seulement juridique, il implique la mise en place d’un programme d’actions en lien avec chaque périmètre et une action foncière renforcée.

À travers les PEAN, la Loire-Atlantique a construit progressivement une politique publique avec des objectifs et une évaluation. Dans le bilan présenté par Agathe Spanier-Bourson, chargée de projet alimentaire, nous retenons qu’après 10 ans de mise en œuvre, le département connait une demande croissante d’extension et de création de ce type de zonage de la part des élus locaux qui ont besoin d’être soutenus dans ces choix politiques. Le département n’a pas cherché à se substituer, mais plutôt à créer des coopérations avec les intercommunalités chargées d’animer le dispositif localement. Pour plus d’informations : https://www.loire-atlantique.fr/44/environnement-energies/les-perimetres-de-protection-d-espaces-agricoles-et-naturels-pean/c_1308192

Paysage agricole de Haute-Loire (©Julien Claudel)

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