Obligation d’un repas végétarien à la cantine : même pas peur !

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18 octobre 2019
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À partir du 1er novembre, la loi Egalim impose l’introduction d’un repas non carné chaque semaine dans les cantines. Depuis plusieurs jours, le débat grandit dans l’opinion, entre pros, antis et indifférents. Un Plus Bio propose de remettre la balle au centre.

« C’est une question qui pique les gens », reconnaît Stéphane Veyrat, directeur d’Un Plus Bio. « Il y a une appréhension légitime en cuisine à se voir imposer une fréquence hebdomadaire, la raison est à la fois technique et culturelle. Technique, parce que les infrastructures de la restauration collective sont taillées pour préparer de la protéine animale, faire évoluer les process d’un coup peut donc engendrer des difficultés de savoir-faire. Mais il y aussi l’aspect culturel car, depuis toujours, l’organisation des menus fait un étalage des protéines animales au point de braquer les habitudes et les consciences dès qu’on parle de variante végétale. Pourtant, les multiples réussites au sein de notre réseau montrent que c’est non seulement possible, économique, astucieux et goûteux mais également sain pour la santé comme pour l’environnement… » Dernier argument défendu par Un Plus Bio : réduire les coûts grâce à la protéine végétale permet d’acheter une viande de meilleure qualité et de consolider les filières vertueuses. En résumé : vive les bêtes élevées au grand air, haro sur les poulets en batterie !

Pour éclairer la thématique, nous avons choisi de demander aux acteurs du réseau Un Plus Bio, et au-delà, de donner leur point de vue. Comme d’habitude, on a privilégié la nuance à la caricature.

Magali Saumade : « Le caractère obligatoire me heurte »

Nouvelle présidente de la chambre d’agriculture du Gard, Magali Saumade est également éleveuse de taureaux de Camargue, en bio. Pour elle, « le fait d’imposer un repas végétarien est un signal négatif envoyé à la filière de l’élevage. Nous sommes d’accord que les études montrent qu’une surconsommation de viande nuit à la santé. Mais il faut éviter d’ imposer par le haut un régime alimentaire. En agissant ainsi, on stigmatise les éleveurs qui, en France, ont pourtant beaucoup évolué dans leurs pratiques. Je parle pour la France et surtout mon département, où on ne compte plus les certifications, en bio, en AOP, et demain en haute valeur environnementale (HVE) niveau 3. Les éleveurs ne sont pas plus en retard que la société civile, ils savent qu’il faut évoluer. En revanche, je renvoie la balle aux élus et responsables de collectivités. S’ils continuent de choisir de la viande industrielle à bas prix et refusent de revoir leurs pratiques d’achats, on n’y arrivera pas ! Enfin, je rappelle que les élevages sont garants du maintien des milieux, ils aménagent et dessinent les paysages. Si on enlevait les éleveurs de bovins, de brebis, de chèvres des Cévennes à la Camargue, ce serait dramatique ».

Thierry Ricard : « On préfère parler de repas environnemental »

À Miramas (13), la restauration est déléguée à l’entreprise Sodexo. Le cahier des charges rédigé par la ville est très exigeant sur le bio, le local, et les cantines sont labellisées « En cuisine » par Ecocert. Pour Thierry Ricard, directeur adjoint du service enfance-éducation, « c’est une erreur d’avoir appelé ça le repas végétarien. Chez nous, on préfère parler de repas environnemental. Pourquoi ? Deux raisons : la première me paraît logique, on le sait tous, le fait de baisser la consommation de viande est bénéfique pour la santé publique comme pour l’environnement. À cet égard, on valorise au maximum les filières courtes sur les légumineuses et les céréales, en bio ou sous label qualité. L’autre raison est politique : on a certaines familles qui viennent nous voir pour nous dire « si vous mettez en place un menu végétarien, on vous demande d’inscrire aussi un menu hallal« . Le repas environnemental s’inscrit ainsi dans une approche laïque et non communautaire, qu’elle soit végétariste ou confessionnelle » Miramas propose une fréquence de quatre à six fois par mois depuis la rentrée 2018. Au menu, par exemple : salade verte en entrée, ravioles farcies au chèvre et à l’ail ou lasagnes aux épinards, gâteau maison en dessert.

Nicolas Meliet : « Ça va dans le sens de l’histoire »

Maire de Lagraulet-du-Gers (32) et agriculteur bio fondateur de la société BioGascogne, Nicolas Meliet avance à marche forcée vers la transition. Sa cantine est 100% bio depuis la rentrée, et le repas végétarien a été institué assez naturellement. « Je pense qu’il va dans le sens de l’histoire et qu’il n’est pas besoin de s’énerver sur la question. Maintenant, s’il fallait manger végétarien 365 jours par an, je ne serais pas non plus d’accord ! Tout est question de bon sens. »

Sa société cultive 2500 hectares de céréales et légumineuses bio, filière sans gluten (sarrasin, lentilles, pois chiches, etc.), et commercialise dans les magasins bio spécialisés.

Nicolas Meliet n’est pas pour autant un lobbyiste de la graine : « Au contraire, l’élevage est une condition indispensable à l’agriculture. Sur ma commune, on essaie d’ailleurs de réintroduire des éleveurs. J’ai acheté pour le compte de la société une grande ferme où je propose aux éleveurs de bénéficier gratuitement des terres à pâturer : les bêtes empruntent les parcours juste après moisson et l’hiver, on fournit gracieusement les abris sur paille dont on récupère le fumier. » Le maire fermier a aussi créé une régie agricole pour fournir tous les légumes de la cantine. Loin du bruit et de l’éventuelle fureur du débat public sur le végétarisme, l’entrepreneur imagine des solutions qui satisfont tout le monde : « Il faut passer à l’action dans la joie et réinventer les fermes ! »

Pour vous éclairer dans la mise en place du repas végétarien :
– fiche Ecocert
– fiche Occitanie
– site végécantines

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