Sur l’île d’Oléron, un grand merci à l’oncle Sam

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18 décembre 2019
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Au-delà de la spectaculaire bataille médiatique livrée par la mairie de Dolus contre l’enseigne McDonald’s, un profond travail moins connu sur l’alimentation insulaire a redonné un lustre brillant à la démocratie locale.

Il y avait eu, souvenez-vous, le précédent de Millau : des paysans, moustachus pour la plupart, déterminés à fendre une légion romaine aux accents texans qui tentait de s’installer dans la province aveyronnaise. De cette joyeuse pagaille gauloise, on retient la fin : un McDo démonté contre toute forme de respect de la loi, un procès fortement médiatisé, enfin l’ouverture validée de l’enseigne américaine.

Vingt ans plus tard, la société a changé, mais les valeurs semblent rester au pays de la bonne bouffe et des 365 fromages. Et voilà qu’une nouvelle bataille est menée, cette fois par des élus locaux et une partie des habitants de l’île d’Oléron. Contre le géant américain dont la France est la première succursale juste après les États-Unis, Grégory Gendre et son équipe remuent terre et ciel pour empêcher la digue contre la junk-food de céder. Ce sera en vain, il faut bien l’avouer, car priver la population de l’accès au droit d’avaler un bon hamburger et des frites formatées est interdit par la loi…

« J’ai découvert un truc de fou »
Grégory Gendre, maire de Dolus.

La Cailletière, ancienne colonie de vacances reconquise par les habitants, nouveau lieu de vie nourricier. Photo DR Banque des Territoires

Mais en réalité, ce ne sera pas si vain que ça, bien au contraire. Ce qu’on a moins vu à Dolus, c’est l’émergence bouillonnante d’idées neuves qui ont rassemblé la population au-delà des espérances. Lauréate des Victoires des cantines rebelles à Paris en novembre dernier, la commune emmenée par le jeune élu, ancien porte-parole de Greenpeace et membre actif du Club des Territoires Un Plus Bio, a fait des pas de géant sur le thème de l’alimentation durable et de la triple santé humaine, environnementale et sociale de son territoire. À cette heure, les enfants des cantines mangent majoritairement bio, local et de saison. C’est évidemment très bien, mais ce n’est pas tout. Grégory Gendre distingue trois grands résultats éclairants dans la prise de conscience et la réappropriation du destin insulaire par ses habitants.

« J’ai découvert un truc de fou, c’est combien la cantine dont j’imaginais qu’elle était seulement un objectif parmi d’autres est en fait à la base, la fondation d’un projet démocratique commun, résume le maire. L’assiette est au cœur du débat, il n’y a pas plus politique. Je vois aujourd’hui des prétendants à la présidence de la communauté de communes et des élus voisins qui demandent à visiter les chantiers qu’on mène, alors qu’hier encore ce n’était que des querelles de personnes… »

L’autre avancée liée à l’alimentation est culturelle. Depuis que Dolus s’est engagée dans une transition de fond, elle agrège à elle les bonnes énergies, les volontés et les talents. Jamais le festival d’art de rue ni le marché hebdomadaire nocturne du lundi n’ont été aussi prisés des habitants qui retrouvent de grands moments de partage. Enfin, cerise sur le gâteau, il y a cette réussite « systémique » de la Cailletière. Une ancienne colonie de vacances livrée à la friche, rachetée par la ville en 2008 et devenue, en 2018, un laboratoire d’initiatives citoyennes dont la terre arable de l’île est l’écrin. On y trouve un espace test agricole tout neuf, géré par le réseau Reneta, qui va permettre à deux puis trois candidats d’apprendre à découvrir et à durer dans le difficile métier de la relocalisation agricole. On y trouve aussi des jardins partagés, d’où sortent chaque jour des kilos de légumes, et mille autre choses immatérielles qui permettent de se sentir appartenir à un territoire soucieux d’un bel avenir durable…

De là à dire merci au géant du hamburger pour avoir ainsi bouleversé la donne, il n’y a qu’un pas… qu’on se gardera de franchir, tel un pont qui relie l’île au continent !

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