Avec le « Mouton Givré », la start-up est dans le pré
À un moment donné, on a tous besoin d’un sac isotherme pour embarquer un pique-nique ou ramener des surgelés du magasin. Mais comment faire quand on est allergique au plastique et qu’on souhaite favoriser un modèle qui créé du lien ? Début de réponse dans le Lot avec une petite entreprise très futée.
(un article de notre revue « Jour de Fête » paru en octobre 2022)
C’est en suivant une formation de couturière au lycée puis en vendant durant plusieurs années du prêt-à-porter à Figeac qu’elle est devenue… cheffe d’une étonnante entreprise qui conçoit, fabrique et commercialise des sacs isothermes en laine de mouton. Cinthia et son associée Élodie, une costumière aguerrie, ont créé « Le Mouton givré » en 2018. Et givrées, il fallait l’être un peu pour oser créer une ligne d’objets 100 % made in France, zéro plastique, en feutre de laine de mouton et chanvre naturel. « Quand on a créé notre premier lunch bag « Marguerite », ma mère m’a dit qu’à part elle, mon oncle et ma tante, elle ne voyait pas très bien quel serait notre débouché ! », sourit Cinthia dont l’entreprise fait aujourd’hui travailler quatre personnes en tout.
Deux tondeurs professionnels et une dizaine d’éleveurs de brebis sont de la partie, tous situés à moins de trente kilomètres de la sous-préfecture industrieuse du Lot, répartis majoritairement dans les causses du Quercy. Chaque troupeau, de 80 à 1 200 bêtes, voit passer une fois par an les ciseaux qui rasent leur toison pour une valorisation inattendue. La laine de brebis a toujours été un sous-produit de l’élevage. « Pour plus de 80 %, elle part en Chine à un centime du kilo avant de nous revenir sous formes de pulls, regrette Cinthia. Nous, nous l’achetons 50 centimes une fois triée. » À raison d’un bon kilo par toison, faites le compte, cela peut devenir intéressant.
Plus intéressante encore est la démarche de coopération entre les acteurs des territoires embarqués dans l’aventure. Une fois récupérée en vrac, la laine part d’abord chez Laurent Laine, fabricant de literie écologique depuis 1898 dans le Gévaudan et dont les machines du XIXe siècle sont les dernières de l’Hexagone à assurer un lavage et un séchage naturels, sans aucun adjuvant chimique. Puis c’est au tour d’une entreprise du Limousin d’assurer un feutrage de grande qualité, c’est-à-dire « à l’aiguilleté, pas à l’humidité », enfin d’une autre en Haute-Loire pour découper les patrons et tailler dans les épaisseurs. Après quoi, de retour dans le Quercy à Cambes, les étoffes passent entre les mains expertes des couturières pour faire naître ces sacs isothermes dont la famille s’est agrandie, au fil des ambitions et des trouvailles. Dans la foulée du lunch-bag « Marguerite » sont nés le cabas « Berthe », le sac à dos « Edmond » et, petit dernier, le porte-bouteille « Lucette » qui reprend la fonction du seau à glaçons, bien pratique quand on amène une bouteille de blanc ou de bulles les soirs d’invitation.
Après plus de trois ans d’activité, souvent l’âge de la pérennisation, Cinthia dresse un bilan assez optimiste mais prudent. « Une fois les sacs fabriqués, il reste à les commercialiser. On a vendu à ce jour un peu plus de 6 000 pièces, c’est très satisfaisant, mais on ne va pas se mentir, la conjoncture de l’année 2022 est compliquée pour les affaires : les élections, le Covid, la guerre en Ukraine, la flambée des prix, tous ces événements incitent plus à l’épargne qu’à la dépense pour ce type de produit. » La bataille de la séduction est gagnée, celle de la cohérence écologique aussi, reste à triompher de celle du portefeuille. Mais avec l’énergie contagieuse dont les jeunes femmes sont capables, nul doute que ces objets insolites à la beauté utile trouveront de nouveaux débouchés.