« L’obésité, le diabète de type 2 et certains cancers sont moins fréquents chez les consommateurs de produits bio »

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16 février 2023
Trois questions à...

Entretien avec la chercheuse à l’Inrae Julia Baudry, épidémiologiste de la nutrition, qui interviendra le 5 avril aux Rencontres d’Un Plus Bio de Dijon. Ses travaux de recherche au sein de l’équipe Nutrinet-Santé ont permis d’observer une association entre la consommation de produits bio, la santé et l’environnement. À ses yeux, les collectivités locales ont un rôle précieux à jouer dans l’acte de nourrir.

 

Un Plus Bio : Pourquoi vous intéressez-vous, à titre personnel, à l’impact de notre alimentation sur la santé et l’environnement ?

L’alimentation nous concerne tous et toutes, nous mangeons tous les jours ! Je trouve qu’il s’agit d’un levier formidable sur lequel nous pouvons tous et toutes jouer, à notre échelle. Sur le plan scientifique, pendant longtemps la consommation d’aliments biologiques et sa part relative dans le régime alimentaire ont été assez peu étudiées. De même, les profils nutritionnels et de santé, les motivations et les pratiques des consommateurs bio ont rarement été décrits. L’objectif de ma thèse, en 2014, s’inscrivait dans le cadre du projet BioNutriNet, elle visait à analyser et décrire les profils des consommateurs de produits issus de l’agriculture biologique sur le plan nutritionnel, de la santé et des pratiques. Nous avons, par ailleurs, étudié de manière prospective l’association entre la consommation d’aliments biologiques et le risque de cancer dans la large cohorte NutriNet-Santé,  auprès de plus de 68 000 adultes français ayant rempli des questionnaires très détaillés sur la durée.

Quels enseignements avez-vous mis au jour ?

Nous avons pu observer qu’une forte consommation de produits bio était associée à une meilleure qualité nutritionnelle globale du régime ainsi qu’à une meilleure santé en général. Le régime des grands consommateurs de bio, qui présentent en moyenne un niveau socio-économique plus élevé que le reste des consommateurs, est souvent caractérisé par une place importante donnée aux produits végétaux et aux produits complets en particulier. En mettant en œuvre des modèles épidémiologiques, permettant de prendre en compte les facteurs de confusion potentiels (c’est-à-dire les facteurs pouvant « interférer » sur les relations bio et santé), nous avons pu étudier le rôle spécifique des aliments bio. Nous avons notamment pu observer que les risques d’obésité, de diabète de type 2, de maladies comme le cancer du sein post-ménopause et certains lymphomes étaient réduits chez ces consommateurs comparés aux non-consommateurs de bio.

Vous vous êtes spécialisée dans les études de « durabilité des systèmes alimentaires ». En quoi manger bio serait-il favorable à l’environnement ?

Nos travaux, au sein du programme durabilité de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (porté aussi par la Dr Emmanuelle Kesse-Guyot et le Dr Benjamin Allès), consistent à caractériser les régimes alimentaires durables et leur évolution, en travaillant notamment sur l’impact environnemental de ce que nous mangeons. Et là aussi, la consommation de produits bio est associée à plusieurs effets convergents. Les régimes alimentaires bio présentent de plus faibles impacts sur l’environnement, notamment, en raison de la forte place vouée au végétal dans ces régimes. Globalement, ces régimes-là sont associés à de plus faibles émissions de gaz à effet de serre, à une moindre occupation des terres agricoles, à une plus faible dépense d’énergie nécessaire à la production des aliments et, enfin, à une plus faible exposition aux pesticides.

D’après vous, comment ces travaux peuvent se traduire concrètement pour des élus qui veulent changer l’alimentation sur leur territoire ?

Il est urgent de repenser notre système alimentaire pour notre santé et celle de la planète. Il nous faut revoir nos habitudes alimentaires : diminuer nos consommations de viande, consommer davantage de produits végétaux (légumes secs, fruits et légumes, fruits secs, produits complets, etc.), réduire les produits transformés et modifier nos méthodes de production.

De nombreuses actions au niveau local existent déjà et peuvent être déployées par les élu(e)s pour éduquer et sensibiliser les citoyens et les citoyennes. Il est aussi nécessaire de rendre le plus possible les choix alimentaires sains et durables les choix « par défaut ».

Un levier très intéressant au niveau local est la restauration collective, on peut par exemple proposer systématiquement quotidiennement une option sans viande. Les cantines scolaires sont de bons moyens pour consommer dès le plus jeune âge des produits bio, de saison et de qualité. De même, le déploiement de programmes éducatifs ludiques et conviviaux (ateliers, jardins partagés, etc.) autour de l’alimentation, de l’agriculture et du climat peuvent permettre aux citoyens et citoyennes de s’emparer de ces questions. La formation des personnels des crèches, des Ehphad aux thématiques de l’alimentation et de la durabilité peut aussi s’avérer intéressante. Enfin, il faut faciliter l’accès des ménages les plus modestes à des régimes alimentaires sains et durables, par exemple, en proposant, des tarifications ad hoc dans les cantines, ou en augmentant l’accessibilité à des marchés bio, locaux et de plein air dans les quartiers défavorisés.

Propos recueillis par Julien Claudel

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